L’art et la génération de sens

Je ne sais pas ce qu’est l’art. Je ne suis pas philosophe ni historienne de l’art.

Je ne sais pas ce qu’est l’art, en général. Mais je sais ce que je cherche dans ma pratique artistique: générer du sens.

Dans ma pratique personnelle - loin des concours, des appels à projets, des résidences, du financement, du marché de l’art - dans ma pratique personnelle donc, celle qui n’est pas nulle part… je me pose des questions auxquelles je ne trouve pas réponse dans les autres domaines du savoir, dans les autres méthodes de connaissance.

Ces questions cherchent à créer du sens.

On peut chercher, on peut faire, on peut découvrir - mais pourquoi faire toutes ces choses ?

Je m’intéresse à l’art comme outil scientifique valide en soi.

Dans Archiver le présent , je me souviens avoir vu sans pouvoir la retrouver une citation de - peut-être était-ce cette entrevue du peintre Roman Opałka, connu pour ses peintures des nombres entiers de 0 à l’infini, il pose le fait suivant - c’est une fausse citation donc - il dit… : « J’aurais pû faire la même oeuvre mais la réaliser comme un écrivain - dire qu’il existe un peintre qui s’occupe à dessiner des chiffres sur des toiles, à l’infini…. j’aurais pû - mais moi je l’ai fait. Et c’est là toute la différence. » [citation needed, comme on dit sur Wikipedia].

Ça veut dire quoi, être humain ?

Ça veut dire quoi être toi ici et maintenant, ici et demain, ici et hier ?

Chaque jour amène son lot d’émotions, d’actions, de tâches et de corvées - chaque jour suffit sa peine.

Nous sommes ici et nous traitons toutes ces informations - ça veut dire quoi, vivre ces choses ? Être au milieu du tourbillon, dans l’oeil du cyclone ou en bordure ?

Ça veut dire quoi, prendre des centaines de décisions dans une journée ?

En fait c’est cela - c’est les processus de prises de décisions collectives qui m’intéressent. C’est l’impact de ces prises de décision sur l’être humain.

Décider ?

Il y a toutes sortes de proverbes, de citations célèbres qui me parlent - en voici quelques-unes:

  • la carte n’est pas le territoire.

  • ce n’est pas le plan qui importe, mais le fait d’avoir planifié.

  • fait, et tu comprendras.

Je m’intéresse à l’action comme mécanisme de prise de sens.

Je m’intéresse à la décision comme mécanisme de création de carte, comme phénomène d’abstraction.

Je m’intéresse à la planification comme structure d’action dans un processus décisionnel.

Les sociétés contemporaines ont toutes sortes de mécanismes de planification, d’anti-planification, de contre-planification - de systèmes décisionnels.

Pourquoi l’un plutôt que l’autre ?

J’ai surtout étudié les marchés, la finance - comme mécanisme décisionnel, comme univers esthétique, comme totalité englobante… mais il y en a d’autres.

Avec La plus longue rencontre du monde est-elle une rencontre ? - j’aimerais continuer la réflexion en posant la question de la réunion comme une génération de consensus en collectivité - dans ce cas-ci, dans le monde du travail…

Bien avant ceci, je m’étais posé la question de la décision collective dans le cadre du théorème d’impossibilité d’Arrow.

Donc je disais - je m’intéresse à l’art comme mécanisme de génération de sens. Quel est le sens de nos décisions collectives ?

L’art raconte le narratif de ces décisions. L’art génère des inteprétations, des mythes, des façons de voir le monde qui font ou ne font pas de sens pour nous. L’art constitue une carte, et non le territoire.

Ce qui m’intéresse dans l’art, c’est son potentiel de réappropriation - de nous permettre de prendre des concepts et de faire en sorte qu’ils cessent d’être aliénants - de redevenir humain. C’est le tout de l’artisan.

Pour moi, faire de l’art c’est faire une expérience scientifique subjective, c’est être l’ensemble de l’échantillon - c’est avoir exactement un seul élément à étudier.